Par Maurice Collin
160 000 enfants quittent chaque année le CP sans maîtriser la lecture et l’écriture. Ils perdent ainsi toute chance de réussite scolaire dès l’âge de 6-7 ans et la plupart ne s’en remettront pas.
L’illettrisme, ce sont des personnes, qui ont appris à lire et à écrire, mais qui en ont complètement perdu la pratique et sont incapables de maitriser un texte simple.
L’analphabète est une personne qui n’a jamais appris à lire et à écrire.
L’illettrisme accompagne et aggrave l’exclusion.
Il rend vulnérable face à des discours intégristes.
Une langue pauvre en vocabulaire est une cause de violence.
Nous pensons à ces jeunes prêts à exploser à la première vexation, au premier « manque de respect » comme ils disent. Leurs parents et leurs maîtres n’ont pas su leur transmettre la capacité de mettre pacifiquement en mots leur pensée pour l’autre.
Plus de 20 % de la population française ne possède qu’une langue réduite dans ses ambitions et dans ses moyens : 600 à 800 mots, quand il nous en faut en moyenne 5 000 à 6 000 pour accepter et comprendre nos différences.
Nos politiques disent utiliser 500 mots pour se faire comprendre par leur auditoire.
A Kinshasa, nous avons appris au jeune Bonobo Kanzi 700 mots.
Je suis en relation avec Alain Bentolila, linguiste réputé.
Il a mis au point la « machine à lire ». C’est une application sur tablette destinée à améliorer le niveau français des élèves. C’est le défi de l’endurance et de la compréhension.
Si les personnes en situation d’illettrisme représentent environ
8 % de la population, les peu lecteurs dépassent les 35 %. Ceux-là n’ouvriront jamais un livre et seront ainsi exclus de notre patrimoine culturel.
L’idée d’Alain Bentolila est proche de l’entrainement progressif d’un coureur à pied. Il veut « tirer » le « peu-lecteur » vers une lecture de plus en plus longue en lui proposant une alternance de plages de lecture autonome et de plages d’écoute du texte.
Je pense qu’on ne dit pas assez que la télévision est un problème de santé publique.
La télévision demande un effort intellectuel bien moins intense que la lecture. La pratique de la lecture à l’âge adulte trouve ses racines dans l’enfance.
La prévisibilité de la production télévisuelle nous tire vers le degré zéro de la compréhension.
Elle éteint notre esprit critique, elle conduit les enfants et leurs parents à la paresse et à la crédulité.
Toute invitation à la lecture devient alors un impossible exploit.
La télévision qui ouvre uniquement au papotage, à l’anecdote, au contact superficiel et à l’émotion, rend réfractaire à la lecture et à l’écriture.
On juge une civilisation sur la façon dont elle s’occupe des plus démunis, notamment des détenus.
Il y a en France 28 prisons et 68 000 détenus.
Pour lutter contre l’illettrisme parmi les détenus de la maison d’arrêt de Varces près de Grenoble, nous avons fourni en 2014 un dictionnaire Larousse de poche 2014 à chaque détenu.
Cette année avec notre past-gouverneur Joël Bessière et le RC de Bourgoin la Tour du Pin nous avons porté un dictionnaire Larousse de poche 2016 aux détenus du centre de détention de Saint-Quentin-Fallavier.
Le dictionnaire est un véritable outil de travail pour les détenus.
Ecoutons Jacqueline de Romilly, cette grande dame :
« Apprendre à penser, à réfléchir, à être précis, à peser les termes de son discours, à échanger les concepts, à écouter l’autre, c’est être capable de dialoguer ; c’est le seul moyen d’endiguer la violence qui monte en nous. La parole est le rempart contre la bestialité ».
Mais la lutte contre l’illettrisme ne va pas sans
La défense du français
« Avec l’anglais on va au bout du monde, avec le français, on va au bout des choses. »
Le français est après le latin, la langue la plus précise et la plus concise au monde, ce pourquoi elle a été pendant des siècles la langue diplomatique européenne.
Si les résolutions de l’ONU étaient rédigées en français, il ne pourrait pas en exister deux lectures, israélienne et palestinienne.
Le français est avec l’anglais la seule langue dont on trouve des locuteurs où que l’on aille dans le monde.
C’est la raison pour laquelle il est la cible de l’impérialisme linguistique anglo-étasunien, comme principal concurrent à la mondialisation de la langue anglaise.
Je comprends la colère de Michel Serres qui veut faire la grève contre l’invasion de l’anglais, contre les publicités en anglais.
Il s’en prend à la classe dominante qui ne veut pas parler la même langue que le peuple. La classe dominante parle anglais et le français est devenu la langue des pauvres.
La mode se répand d’enseigner dans les écoles françaises en anglais. Un pays qui oblige ses élites à écrire ou enseigner dans une autre langue que la sienne est en danger de mort.
« Ma patrie, c’est la langue française » écrivait Camus.
« En France, nous sommes magnifiquement divers, mais nous partageons une culture commune, parce que nous sommes liés et reliés par la chose précieuse et miraculeuse qu’est la langue française » dit François Cheng, poète et académicien.
Apprenant que M. André Vallini, ancien Président du Conseil Général de l’Isère, est actuellement « Secrétaire d’Etat au Développement et à la Francophonie », je lui ai écrit :
« Nous avons le devoir de contribuer au combat contre l’illettrisme et l’analphabétisme dans toute la « francophonie du Sud ».
Analphabète rime avec non francophone.
Au Sénégal, berceau de la francophonie africaine, il y a au moins 65 % d’analphabètes.
Au Maroc, plus de 50 % de la population est analphabète et donc une maîtrise quasi nulle de la langue française.
Au Mali, 83 % de la population est analphabète.
« Il nous faut refuser que la langue française, que nous avons jadis imposée dans ces pays, devienne aujourd’hui complice de l’inégalité sociale et de l’échec scolaire ».
L’an dernier en 2015, j’ai fait venir à Madagascar 1150 dictionnaires Larousse de poche 2015. Nous les avons distribué aux enseignants et dans les prisons. Cette action répond à un besoin et à une demande.
Cette année, en mars 2016, j’ai apporté 30 dictionnaires Larousse de poche 2016 que nous avons distribués dans les écoles de Kinshasa en RD du Congo.
Ces dictionnaires Larousse de poche sont très demandés. Ils contribuent efficacement au maintien et au développement de la francophonie…. ».
Il m’a répondu : « Je tiens à vous remercier et à vous féliciter pour votre implication personnelle dans la lutte contre l’illettrisme à Madagascar, qui, comme vous le rappelez justement, accompagne et aggrave l’exclusion, et rend vulnérable les populations qu’il touche. J’ai demandé à mon Directeur de cabinet de se tenir à votre disposition ».
J’ai bon espoir qu’avec son aide, je pourrai prochainement emmener 500 dictionnaires de poche 2016 pour les écoles de Madagascar.
Maurice Collin est membre du Rotary club de Grenoble-Belledonne – District 1780. Médecin Pédiatre en retraite, il est très engagé dans les missions humanitaires et éducatives en particulier en République Démocratique du Congo, à Madagascar, en Equateur ….
Il a reçu le Prix Servir d’Abord du Rotary et il est Chevalier de la Légion d’Honneur .