Par Christian Michaud
La majorité des cas dans les 3 pays d’endémie viennent du Pakistan avec 174 sur un total de 209 (soit 74%). Le Nigéria avec 6 cas contre 49 à la même date de 2013 est en très net progrès. Ceci est peut-être l’une des conséquences du revirement récent des responsables religieux musulmans qui s’engagent maintenant à promouvoir la vaccination.
Dans les pays non endémiques la baisse est significative 19 cas contre 193 l’an dernier à la même époque mais ils montrent que le risque de transmission reste significatif et inquiétant en particulier à partir du Cameroun et de la Guinée équatoriale. C’est ce risque de propagation internationale du poliovirus sauvage qui a justifié l’urgence de santé publique de portée internationale lancée le 5 mai 2014 par le directeur général de l’OMS, le Dr Margaret Chan afin de préserver les acquis.
Cette initiative de l’OMS avait pour objectif de mettre les pays concernés face à leurs responsabilités et de remobiliser la communauté internationale.
Ses conséquences sont nombreuses, comme :
- la surveillance aux frontières afin d’empêcher la « sortie » mais aussi « l’entrée » du virus
- la décision de nombreux pays d’accroître leur aide financière à l’éradication de la polio
- Ainsi, lors de la 67ème Assemblée mondiale de la Santé qui s’est tenue fin mai :
- les pays transmetteurs du virus de la polio, le Pakistan et le Cameroun ont présenté les mesures prises pour mettre en œuvre ces recommandations. Maintenant le Pakistan et le Cameroun obligent tous les voyageurs, et non seulement les enfants, à être vaccinés avant de quitter le pays.
- les pays exempts de poliomyélite ont souligné la nécessité de rester vigilants et de maintenir une forte immunité.
La carte précise l’emplacement des réservoirs de virus sauvage dans les trois pays endémiques : le Pakistan, l’Afghanistan et le Nigéria. Dans ces trois pays (en rose) les zones infectées sont limitées (rouge foncé).
Les zones de flambée et de transmission apparaissent en orange.
Ce risque de transmission du virus en raison des facilités de déplacement dans le monde est une réalité illustrée par sa détection au Brésil ! Le 18 Juin 2014, l’OMS a signalé la détection de poliovirus sauvage dans des échantillons d’eaux usées, collectés en mars 2014, dans l’état de São Paulo. Le Brésil mène cette surveillance depuis plus de 20 ans. Le taux de vaccination étant suffisamment élevé aucun cas, à ce jour, n’a été constaté. Le virus isolé possède un profil génétique voisin d’une souche trouvée en Guinée équatoriale.
Les nombreuses zones de conflits dans le monde : en Syrie, Irak, en Somalie au Nigéria et surtout au Pakistan, provoquent l’exode de populations sous-vaccinés. On les retrouve sur les diverses voies de migration (dont l’Europe). Ce sont autant de risques de transmission du virus de la polio. Il s’agit vraiment d’une géopolitique de la poliomyélite dans un monde qui est devenu « un village ». Alors, tant que la polio est présente quelque part sur la planète, dans les régions les plus éloignées, aucun pays n’est à l’abri même l’Europe, même l’Italie. Seule la vaccination peut protéger nos enfants.
Au Pakistan, l’essentiel des cas rencontrés se concentrent dans les zones tribales à la frontière avec l’Afghanistan où les talibans s’opposent à la vaccination depuis 2012, (56 vaccinateurs, héros de la lutte contre la polio, ont été tués par les talibans). Dans ces zones l’armée pakistanaise a lancé une vaste opération militaire anti-talibans (carte ci-dessous). Ce conflit a poussé des centaines de milliers de civils sur les routes. Un exode dont les autorités entendent profiter pour vacciner ces populations contre la polio. Comme les communautés déplacées fuient dans d’autres régions du Pakistan et de l’Afghanistan, les activités de vaccination sont en cours dans les camps de réfugiés ainsi que dans les postes de vaccination de transit. Plus de 800 000 personnes ont été vaccinées au Pakistan dans le cadre de ces efforts et plus de 35.000 en Afghanistan. (www.polioeradication.org/)
La situation sur le front de la polio est difficile mais beaucoup de signes sont extrêmement positifs. L’urgence de santé publique de portée internationale de l’OMS a porté ses fruits :
- les pays d’Afrique et du Moyen O rient ont lancé de très nombreuses campagnes de vaccinations,
- les surveillances aux frontières s’intensifient,
- au Pakistan la bataille contre les talibans permet de vacciner des centaines de milliers de personnes ce qui a conduit des journaux à titrer : « l’exode face à l’offensive dope la vaccination contre la polio »,
- de nombreux responsables religieux musulmans préconisent la vaccination.
En guise de conclusion je citerai John F. Germ, Président de la commission PolioPlus internationale et Président RI nommé 2016-2017 :
« Nous avons fait la promesse aux enfants du monde d’éradiquer la polio et les Rotariens tiennent leur parole. «